Pour inaugurer cette rubrique, j'ai choisi de vous parler de mon ami, collègue et associé, Laurent Zupan. Directeur technique du groupe Metamorphoses et enseignant en effets spéciaux de maquillage à l'École Metamorphoses, Laurent est un passionné reconnu, qui excelle dans la création de masques et d'accessoires pour le cinéma et le spectacle vivant.
Aujourd'hui, je vous invite à découvrir les étapes marquantes de son parcours, ses œuvres fascinantes et son dévouement à la transmission de son savoir-faire unique.
Interview du maquilleur SFX : Laurent Zupan Sur sa carrière et son parcours :
Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a conduit à travailler dans les effets spéciaux de maquillage ?
Comme beaucoup de maquilleurs de ma génération, je suis tombé dans la fascination de vieux films étant enfant. Je me suis émerveillé devant des choses à l’écran que je ne comprenais pas et que je voulais comprendre. Un homme étrange à la tête carrée dans Frankenstein, un requin mangeur d’homme dans les Dents de la Mer, un petit personnage vert et sage dans Star Wars… Tous ces films ont nourri mon imaginaire et m’ont donnée l’envie de comprendre comment fonctionnait la magie du cinéma, comment elle agissait. Et puis, de fil en aiguille, tout s’est imposé à moi: « c’est ça que je veux faire plus tard ! »
Quelles ont été les étapes clés de ta carrière jusqu'à présent ?
Je pense qu’il y a eu une phase de découverte, puis d’expérimentations, avant de me lancer professionnellement. Mais j’ai toujours gardé cette dynamique d’apprendre et d’expérimenter et je crois que c’est la clef du plaisir à poursuivre cette activité. Même en tant que formateur, c’est ce plaisir du test, de l’essai, du détournement de matières ou de techniques qui me motive le plus. Concrètement, ma carrière s’est jouée sur des choix très différents de beaucoup de confrères, sans doute à cause d’un manque de confiance induit par mon statut d’autodidacte… Je ne me sentais pas légitime à travailler pour de gros ateliers. J’ai donc continué à privilégier des projets où je me sentais bien, avec des gens sympas. Depuis quelques années, je découvre qu’on peut participer à de gros projets et de grandes équipe avec des gens sympas… comme sur The Walking Dead, qui est un peu un rêve de gosse devenu réalité.
Qu'est-ce qui t’a motivé à enseigner les effets spéciaux de maquillage à l'école Metamorphoses ?
Comme je le disais, j’ai toujours adoré comprendre et apprendre. C’est un peu curieux mais je crois revivre par procuration l’excitation de mes débuts avec ceux que je considère comme l’avenir de ce métier.
Sur son travail et ses créations au sein de l’atelier Metamorphoses :
Peux-tu nous décrire une journée typique dans ton atelier Metamorphoses ?
C’est ce qui est génial, il n’y a pas de journée type. Tous les projets sont uniques. Un jour, on va sculpter des zombies, l’autre, peindre un alien, ou le plus souvent faire de petites choses simples comme des blessures ou des prothèses dentaires… Pas un jour ne se ressemble et c’est tant mieux !
Quels sont les défis les plus courants que tu rencontres dans la création de masques et d'accessoires pour le cinéma et le spectacle vivant ?
Les défis naissent de situations où on se dit « mais comment je vais faire ça !!? ». Et curieusement, ce sont les moments les plus excitants. Le plus surprenant, c’est que les défis arrivent souvent sur de petites choses qui ont l’air simples mais ne le sont pas. Ou parfois pour tenir dans des budgets serrés : on nous demande parfois la lune et on essaie de la livrer. Peu importe qu’elle soit en carton si elle ressemble à la lune.
Quels projets ou créations récentes t’ont le plus marqué et pourquoi ?
Le tournage de la série Sambre a été marquant, parce que j’ai brièvement travaillé pour la première fois avec un autre maquilleur FX que j’admire beaucoup. Souvent, je suis aux ordres d’un maquilleur qui n’est pas maquilleur effets spéciaux. Là, chez CPFX, j’ai expérimenté un rapport de travail à la fois sécurisant et agréable : aucune réelle responsabilité, juste le plaisir de faire au mieux… et bien sûr, sur The Walking Dead, où j’ai côtoyé d’autres maquilleurs que je ne connaissais que de réputation, en plus d’anciens élèves, ce qui est toujours touchant. Une super expérience humaine !
Quel est ton processus créatif pour concevoir un design ou un masque ?
En général, je m’imagine le personnage dans son environnement et je lui invente une histoire (si elle n’est pas déjà présente dans un scénario). En fonction de ça me viennent des idées. Et quand je sculpte en terre, je me laisse aussi guider par le matériau. J’ai mon idée de base, je place des volumes pour obtenir la silhouette que j’ai en tête et parfois, d’autres idées arrivent.
Sur l'enseignement et la transmission du savoir :
Comment abordes-tu l'enseignement des effets spéciaux de maquillage à tes étudiants ?
En essayant de transmettre avant tout le plaisir que j’ai à faire ça ! :-)
Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui souhaite se lancer dans le domaine des effets spéciaux de maquillage ?
Je conseillerai de bien se documenter sur la réalité du travail que cela représente. Internet et les réseaux le permettent. Ne pas se laisser « éblouir » par le résultat, l’impact d’un produit fini mais comprendre et accepter les processus. Le plaisir vient du cheminement, la satisfaction du résultat, il ne faut pas uniquement penser « photos, Instagram et likes » mais sculpture, moulage, peinture…
Peux-tu partager une anecdote ou une expérience marquante vécue avec tes étudiants ?
Il y en a tant… Retrouver des élèves que j’avais perdu de vue depuis 15 ans sur un tournage, voir qu’ils travaillent toujours, constater que certains sont même devenus meilleurs que moi, c’est à la fois gratifiant et touchant.
Sur la rédaction de la rubrique "Mascarade" du magazine SFX :
Qu'est-ce qui t’a inspiré à rédiger la rubrique "Mascarade" pour le magasine SFX ?
J’ai toujours aimé écrire et partager parce que j’ai eu moi-même du plaisir à lire et apprendre. Une rubrique de Science et Vie Junior m’avait passionné quand j’étais ado, c’était assez logique de vouloir m’y essayer dans la seule revue qui parle d’effets spéciaux.
Quels sont les sujets que tu aimes le plus aborder dans cette rubrique ?
Ceux qui sont en lien avec l’actualité cinématographique et font un lien avec le magazine.
Comment choisis-tu les thèmes ou les projets à présenter dans tes articles ?
En fonction de l’actualité de l’atelier, des cours, de mes envies…
Perspectives et visions futures :
Comment vois-tu l'évolution des effets spéciaux de maquillage dans les prochaines années ?
C’est variable, mais je vois de plus en plus de films de genre français, dernièrement on a vu des films d’araignées géantes, de requins dans la Seine… Sans parler des fresques historiques comme Les Trois Mousquetaires ou le Comte de Monté-Cristo. Ces films marchent au box office et cela motivera les producteurs à continuer d’en faire. Et ces films sont riches en effets spéciaux. Il y a aussi de nouveaux médias comme les spectacles immersifs. Je pense que tant qu’il y aura des acteurs, il y aura du maquillage et des effets de maquillage.
Quels sont tes projets futurs, que ce soit en enseignement, en création ou en rédaction ?
Je n’ai qu’un seul projet: continuer de pratiquer, d’apprendre, de rencontrer… améliorer ce qui peut, trouver de nouveaux sujets de cours, de rubriques…
Comment espères-tu influencer le domaine des effets spéciaux de maquillage et les nouvelles générations de maquilleurs ?
Vouloir influencer, c’est un peu prétentieux, je ne crois pas avoir ce pouvoir. Faire découvrir et aimer ça, c’est déjà un sacré objectif.
Quelques questions personnelles pour conclure cette interview :
Quel est ton film préféré en termes d'effets spéciaux de maquillage et pourquoi ?
Je n’ai pas de film préféré, j’en adore trop. Les films de monstres de années 80, Alien, Starwars, Terminator… J’aime le Cinéma en général, il y a des films que j’adore mais certains sont sans effets spéciaux. J’aime les films qui me donnent toujours envie de continuer dans ce domaine.
Y a-t-il une figure, une personne ou une œuvre qui a particulièrement influencé ton travail et ta carrière ?
J’aimais l’esprit inventif et expérimental du maquilleur Steve Johnson et j’ai toujours été admiratif du sens du partage qu’avait Dick Smith.
Comment trouves-tu l'inspiration dans ta vie quotidienne ?
En observant: les gens, les animaux, les plantes… en me documentant.
As-tu une phrase à partager avec nous pour conclure cette interview ?
« Un homme sans enfantillage est un monstre » (Montherlant)
Soyez des enfants : Fabriquez des monstres…
Merci Laurent d’avoir répondu à ces questions !
J'espère que cet article vous aura plu et qu'il aura enrichi votre perspective sur le maquillage professionnel ! A bientôt pour de nouvelles lectures !
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