Aujourd'hui, j'ai le plaisir de m'entretenir avec Pierre Olivier Persin, maquilleur talentueux et créateur d'effets spéciaux basé à Montreuil. Connu pour son travail remarquable, Pierre Olivier nous fait découvrir les coulisses de son métier à travers cette interview qui fait suite à la vidéo tournée par Konbini sur le film "Le Comte de Monte-Cristo" avec Pierre Niney, et que nous avons trouvée fabuleuse chez Metamorphoses. Nous trouvons important de mettre en avant nos confrères français et c’est agréable de voir que notre métier est mis en valeur également en France.
Je vous laisse donc découvrir notre conversation captivante !
INTERVIEW : Pierre Olivier Persin
PORTRAIT : Parlons un peu de toi !
SB : Bonjour Pierre Olivier ! Peux-tu nous parler un peu de toi et de ton parcours ?
POP : Bonjour ! J’étais adolescent pendant l’âge d'or des effets spéciaux de maquillage dans les années 80 (je suis né en 1974). J’ai été piqué par le virus vers 14 / 15 ans, j’avais du plâtre, de la plastiline et du latex pour Noël, et j’ai passé mon adolescence à fabriquer des masques et maquillages dans ma chambre. Pas d’internet à l’époque, juste la lecture assidue des magazines de cinéma fantastique ! J’ai réussi à trouver du travail à 20 ans, sur la base de mon portfolio avec mes réalisations amateurs. C’était en 1994.
Qu'est-ce qui t'a inspiré à te lancer dans le maquillage d'effets spéciaux pour le cinéma ?
J’adore le cinéma et l’art en général. Il y a dans les effets spéciaux de maquillage cet équilibre que j’adore entre l’artisanat, la sculpture, la peinture, la magie, l’illusion, l’exploration technique, trouver des solutions, travailler avec les acteurs…
Quels ont été les moments forts de ta carrière ou les projets sur lesquels tu as travaillé qui t'ont le plus marqué ?
Monte Cristo à coup sûr ! J’ai aussi travaillé sur les 3 dernières saisons de Game of Thrones, c’était une super aventure. World Par Z, parce que c’était la première fois que je travaillais sur une production aussi énorme. Et puis Roberto Succo, qui était mon premier film important comme superviseur (en 2000) et Le Petit voleur, qui fut mon tout premier effet réalisé pour un film ! (Un égorgement !)
Tu as un atelier des effets spéciaux de maquillage à Montreuil. Peux-tu nous en dire plus sur cet atelier et les types de projets sur lesquels tu travailles ?
Oui, j’ai investi beaucoup de temps, d’argent et d’amour pour essayer de créer un environnement agréable, équipé, et propice à la création pour mon équipe et moi. Un gros prolongement de ma chambre d’ado en quelque sorte !
Nous travaillons principalement pour le cinéma et les séries / téléfilms.
Comment vois-tu l'évolution du maquillage au cinéma dans les prochaines années ?
Bonne question ! Il y a d’un côté toutes les évolutions techniques (scan, sculpture 3D, impression 3D…) mais surtout je suis curieux de voir l’évolution du cinéma tout court. Est-ce que les programmes informatiques gérés par les IA vont drastiquement faire chuter les coûts de production, et mettre tout le monde au chômage. Ou tempête dans un verre d’eau ? L’avenir le dira. En tout cas les choses changent très rapidement.
Y a-t-il des tendances actuelles ou des innovations en maquillage qui t'enthousiasment particulièrement ?
De voir le bon qualitatif des maquillages spéciaux, dans le monde entier, depuis quelques années est génial. Et je suis enthousiaste pour ce qui n’a pas encore été créé ! Continuons de chercher !
Le film "Le Comte de Monte-Cristo"
Peux-tu nous parler de ton rôle dans la production du film "Le Comte de Monte-Cristo" ? Quelles ont été tes principales responsabilités en tant que maquilleur FX ?
J’étais responsable des différents looks et personnages incarnés par Pierre Niney dans le film faisant intervenir des prothèses (c’est à dire presque tout le temps !) Il y en avait 6. J’ai aussi créé quelques maquillages spéciaux pour d’autres personnages. Il y avait un super HMC aussi: Laura Ozier, Sophie Asse, Stéphane Robert, Camille Bouvet, Thierry Delattre au costume… Vraiment une dream team !
Quelles étaient les exigences spécifiques pour le maquillage de Pierre Niney dans le rôle d'Edmond Dantès ? Comment as-tu abordé ces défis ?
Il y avait des exigences spécifiques suivant chaque personnage incarné par Pierre. Par exemple pour certains, même s’il était transformé, on devait facilement le reconnaitre (pour des histoires de clarté de narration, ou d’émotions) Pour d’autre, nous pouvions au contraire le faire disparaitre sous le maquillage. D’autres maquillages aidaient plutôt à la narration: prothèses amaigrissantes au Château d’If, ou le look vieilli / balafré en 1830.
As-tu collaboré étroitement avec Pierre Niney pour développer son apparence dans le film ? Peux-tu nous décrire ce processus ?
J’ai principalement collaboré avec les réalisateurs Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte. Après il était très important que Pierre y croit et se sente à l’aise sous ses maquillages. Alors avec lui je pouvais affiner certaines choses, pour trouver un équilibre, et toujours avec l’accord des réalisateurs. Il faut savoir être à l’écoute. Je sais aussi que les maquillages l’ont aidé à trouver la voix des personnages. C’est un acteur brillant, intelligent et investi.
Y a-t-il une scène en particulier où le maquillage a joué un rôle crucial dans la narration ? Peux-tu nous en dire plus ?
Je dirais que le maquillage joue un rôle crucial dans le film en général ! C’était un projet génial pour ça aussi ! Il y avait aussi un côté Mission Impossible du XIXème siècle assumé et souhaité par les réalisateurs qui était très chouette.
Questions sur les techniques de maquillage du film
Quels matériaux et techniques as-tu utilisés pour créer les différents looks de Pierre Niney dans le film ?
Rien que de très classique: principalement des prothèses en gel de silicone ou en acrylique. Par contre il y en avait énormément ! Beaucoup de personnages, de sculpture, de moules, et des centaines de tirages !
Peux-tu partager des anecdotes ou des défis particuliers rencontrés lors de la réalisation du maquillage pour ce film ?
Nous passions un peu de « Brisk », un astringent un peu costaud, à certains endroits du visage de Pierre pour assurer une bonne adhésion des prothèses. Il détestait ça. Il a fini par faire une petite vidéo de lui, mon assistant et moi, titrée « l’agence tout brisk ! »
Comment as-tu géré les retouches de maquillage pendant les longues journées de tournage ?
Dés la conception du maquillage, il faut penser aux problèmes que pourraient générer certains choix, comme des retouches trop fréquentes et intrusives, surtout si ces maquillages tournent beaucoup. Après, je dirais qu’il faut s’assurer que tout passe à l’image, sans importuner le comédien avec des retouches incessantes.
As-tu une approche particulière pour équilibrer réalisme et dramatisation dans le maquillage de personnages historiques ou littéraires ?
Bonne question ! Ça dépend beaucoup de la direction voulue par le réalisateur. Sauf s’il y a une demande particulière de rendre le comédien/ne méconnaissable, il faut avant tout penser au jeu et aux émotions, et comment va bouger le maquillage. On peut se permettre des licences dramatiques. Nous ne faisons pas un documentaire, et dans le cadre d’une adaptation littéraire, il s’agit, justement, d’une adaptation.
Y a-t-il des aspects de la personnalité ou du physique de Pierre Niney que tu as particulièrement voulu mettre en avant à travers le maquillage ?
Quand on a un acteur de la trempe de Pierre Niney, et qu’il a un rôle aussi complexe à jouer que dans Monte Cristo, il ne faut pas entraver le jeu et faire disparaitre l’acteur sous des tonnes de silicone, au détriment des émotions. Préserver son regard, sa diction et s’assurer que le maquillage n’est pas un obstacle au jeu.
Pour clôturer cette interview, revenons à toi :
Qu'est-ce qui t'inspire le plus dans ton travail quotidien en tant que maquilleur ?
C’est un métier passion, non ?! Du coup l’inspiration, c’est un peu tout le temps, tous les jours ! Dans le métro, dans un musée ou dans les innombrables sources d’inspiration du quotidien, parfois fortuites. Et beaucoup aussi le soir en essayant de m’endormir. J’ai plein d’idées qui viennent !
Si tu pouvais travailler sur le maquillage de n'importe quel personnage de fiction, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Sûrement une adaptation du Cauchemar d’Innsmouth ! Ou une anthologie du fantastique avec tous les monstres classiques, Dracula, momie, Jeckyll and Hyde et Loup garou, etc !
Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui souhaite se lancer dans le maquillage d'effets spéciaux pour le cinéma ?
D’apprendre et surtout de pratiquer un maximum, même si on a peu de moyens, ça n’empêche pas de sculpter ou de peindre par exemple. Practice makes perfect comme disent les anglais ! De se renseigner un maximum sur le sujet. Et de persévérer. Ça peut prendre du temps de percer, avec des moments difficiles au début. Mais il ne faut pas se décourager.
Y a-t-il des projets futurs dont tu peux nous parler, que ce soit pour le cinéma ou d'autres domaines ?
La sortie en novembre de The Substance, mon plus gros projet à ce jour !
Et une dernière question pour nos lecteurs qui ne te connaisse pas encore !
Ou peut-on te découvrir ton travail en ligne ou ses les réseaux sociaux ?
J’ai un site www.popfx.info et Instagram: @pierre_olivier_persin
Merci beaucoup, Pierre Olivier, pour ce partage passionnant de ton travail et de ton expertise. C'est un privilège de découvrir les coulisses de ton métier et d'en apprendre plus sur les processus créatifs qui ont façonné le film "Le Comte de Monte-Cristo". Nous te souhaitons le meilleur pour tes projets futurs et espérons avoir bientôt l'occasion de voir d'autres de tes réalisations à l'écran !
J'espère que cette interview vous aura plu et qu'elle aura enrichi votre perspective sur le maquillage professionnel ! A bientôt pour de nouvelles lectures !
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